Mutazione/Rive/Orizonte de Marie-Pierre Germain et Anne Papalia.
Mostra da u 4 à u 30 d’ottobre à L’Arsenale – Citatella
Exposition du 4 au 30 octobre 2024 à L’Arsenal- Citadelle
L’exposition MUTAZIONE / RIVE / ORIZONTE, présentée à l’Arsenal de Bastia réunit le travail de sculptures de Marie-Pierre Germain-Fortini et de peintures et dessins d’Anne Papalia autour du paradigme de l’anthropocène.
Cette représentation du monde se décèle dès les premiers pas dans l’exposition.
Faisant office de prélude Hommage à Cozens, d’Anne Papalia est une série de formes abstraites colorées, suspendues dans l’espace qui vous invitent à la déambulation. Depuis 2015, elle réalise des peintures sur papier, puis sur plastique recyclé, qu’elle envisage comme des « paysages hasardeux » suggérant l’envahissement du plastique et la notion de territoires en mutations. La palette s’étend ici à des tons allant jusqu’aux fluos qui traduisent notre manière actuelle de percevoir le paysage à travers les réseaux sociaux, et le recours aux filtres photos maintenant omniprésents. Plus loin, on perçoit trois sculptures de la série Fiore di corallu, de Marie-Pierre Germain-Fortini. Pourtant rigide, la pierre se mue ici, l’artiste crée des volutes et spirales qui rappellent un univers végétal. Le titre des œuvres, nous révèle rapidement que ces formes organiques sont des coraux. La référence au mythe de Méduse se dessine peu à peu dans la sélection des œuvres de l’artiste. Ce choix n’est pas anodin. En effet, la Gorgone Méduse est devenue célèbre pour sa cruauté transformant en pierre quiconque rencontre son regard. Progressivement l’ambivalence de ce personnage apparait dans plusieurs récits depuis la Renaissance. L’artiste s’intéresse aux autres versions de son histoire, qui affirment qu’elle est en fait la victime des vicissitudes et du mauvais jugement des hommes. Elle devient au fil des siècles, une allégorie à la fois féministe et écologique. Ainsi le dialogue des œuvres entre les deux artistes présage d’un discours sur la nature et le paysage pris au piège par la présence humaine.
D’œuvre en œuvre, le monde mi-mythologique, mi-tellurique de Marie-Pierre Germain – Fortini rencontre le monde réaliste d’Anne Papalia. La série Umanatura hic et nunc, « peintures documentaires » exécutées sur le vif, imaginées par cette dernière illustrent un territoire aux prises aux transformations par les mains de l’homme. Inspirée par l’accélération des mutations du littoral et le territoire corse, le discours se veut malgré tout universel. Ici et là, du matériel de chantier apparaît, tel un artéfact. L’œuvre Horizonte illustre également cette idée. Conçue conjointement par les artistes, cette installation murale de huit mètres de long reprend la géométrie sacrée que l’on retrouve souvent dans la nature à partir de fragments de faïences disposés tel un nouvel horizon en devenir. Elle rentre en résonance avec l’installation Frammenti di corralu de Marie-Pierre Germain – Fortini. Inspirée par le mystère de la formation géologique des anneaux coralligènes découverts dans le cap corse. Elle réalise trois cercles à partir de chutes de marbre dans un désordre organisé en spirale, qui semblent s’affaiblir. Le dernier cercle n’est composé que de poussières de marbres, éphémère et volatile.
Les dialogues incessant entre les démarches des deux artistes, ainsi que la scénographie renforce l’idée de cycle et de l’incidence humaine sur son rapport à l’espace. En effet, l’exposition se découvre par vagues, une déambulation entre terre et mer s’opère. L’entrée faisant office de sortie. Cet aller-retour contraint prend un sens particulier à travers le prisme du paradigme de l’anthropocène. Véritable enjeu scénographique, le public est invité à découvrir l’exposition d’un autre angle.
MUTAZIONE / RIVE / ORIZONTE est pensée telle une vanité contemporaine. Elle devient une représentation allégorique de la fragilité de la vie humaine, de la fatuité de son action et pointe du doigt les exactions humaines sur son environnement naturel. Teintée d’une vision rousseauiste de la nature selon laquelle, face à elle, l’être humain a deux attitudes qui peuvent à la fois la détruire ou la régénérer. Pour cela, l’homme doit être au cœur de la nature, tour à tour conservateur et architecte raisonné au sein de son écosystème. Marie-Pierre Germain – Fortini et Anne Papalia, nous invitent comme le philosophe à « faire société » en bonne intelligence avec la nature.
A la lisière du discours engagé et de la contemplation post romantique, cet art de l’anthropocène, dont le point de départ est la Corse, s’affirme comme un combat de conscience poétique.
Madeleine Filippi
Critique d’art membre de
l’Association Internationale
des Critiques d’Art-France